A vos marches, prêts ? Ecrivez !


Série d’écrits "en marchant " 


Tout notre corps respire. Tout notre corps fait langue. Tout notre corps écrit, notre mémoire écrit, nos expériences, nos amours , nos peurs, nos violences, nos passions, nos calmes, nos pacifications, nos incertitudes, tout tient dans le mot quand le désir, ou le besoin, nous prend et que l’expression se distancie de l’exprimant en devenant texte, poème, graffiti, brouillon.

Nous avons marché et nous avons écrit. Pendant la marche, après la marche, à partir des impressions laissées par la marche, dans la fantaisie du pas, dans les rencontres. Avec les outils de la marche que sont nos chaussures.


Il s’agissait de s’inspirer d’une forme (celle d’Apollinaire, Si je mourrais là-bas…), pour broder un poème autour des paires de chaussures qui ont marqué notre vie.
Quand j’y pense, c’est un peu sacrilège d’associer ainsi amour, mort, guerre, chaussures… Mais tout est prétexte à faire, et le sens vient en marchant. Voici donc quelques textes issus de cette expérience :


Souvenirs aux pieds

S’il y en a plusieurs qui me reviennent en pensée
Du plus lointain souvenir celles-ci me reviennent
Elles étaient bleues et vraiment très foncées
Un talon modeste une boucle toute dorée
Un chiot les a grignotées sans remords et sans haine

Et dans la mémoire surgit la suivante
Qui comme la précédente a la même couleur
Serait-ce donc dans mon passé une teinte qui me hante
Pour qu’un lointain voyage dans le temps de ces heures
Me revienne comme une image surgissante

Souvenirs ancrés dans l’enfance qui passe
Je rougis des caprices faits à mon grand-père
ce doux cordonnier se pliait à mes prières
Quand je l’exhortais mon âge faisant menace
de me chausser de nus pieds dorés pleins d’audace

Le fatal arbre généalogique qui me distance
Compense mon amour immodéré pour la chaussure
Aux couleurs aux formes qui changent sans aucune mesure
Les saisons les modes les spectacles en tous sens
Font le pied fort pour être né le plus pur

Marie si je meurs déchaussée dans l’oubli
Souviens-toi de mes paires de concert de folie
C’est celles-là même de mes heures de gloire
Bien sûr qu’elles étaient toutes belles et noires
Un œil averti les appréciait autant qu’un Dali

Ô mes souliers qui tels le chat chaussé de ses bottes de
sept lieues m’ont fait traverser la vie pour le meilleur et
pour le pire

Marie-Hélène




Si j’avais deux-trois ans une fois de nouveau
Je glisserais petons dans des sandales blanches
Petit corps potelé dans robe du dimanche
Et j’irais au grand bal fiérote et menton haut
Bouquet clair de lilas ajusté sur la hanche

Et puis on n’y peut rien quelques années passant
Je me retrouverais bottes rouges brillantes
à plouf dans les fossés ! - les jours de pluie battante
Jouer à repêcher les bulles du torrent
dans mon tout petit seau – Un cadeau pour môman

Souvenir, souvenir, toujours : des baskets rouges
Rutilantes, héroïques, - j’avais 15 ans
Et j’allais sans frémir au combat fleur aux dents
Ailes aux pieds rousse coiffe arrogante – Bouge
Le monde ! À pleine bouche je mords dedans !

Le fatal temps glissant il a bien fallu mettre
Du soulier adapté aux adultes fonctions
Mes baskets remisées le cuir devint le maître
De mes pieds qui déjà regrettaient l’abandon
De la toile bénie et des libres arpions

Un des ces jours hélas ! je quitterai mes Nike
Leur nom s’effacera de mémoire et talons
Ma vieillesse sera naufrage pathétique
Échouage de tête trop de poil au menton
Aux pieds tristes linceuls : laides orthopédiques

Ö mon unique amour, Achille, mon tendon !

Jos

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